raconte moi dis-moi la mer
je la vois.
son vent est épais il sent l’horizon et le sable il danse et creuse il est bleu il est noir il est plein il déborde en lignes courbes ondulations se fraie un chemin sans destination il est, présent il est beau effroyable pervertit la boussole pousse les fragments
raconte moi dis-moi la mer
je la vois.
son astre coule en reflets volutes grises ses pigments fragiles l’ensemencent d’ombres elles se croient sûres fermes et leur temps lui recule avant de reprendre assaut œil clignotant voit trop loin au-dedans du sommeil incapable d’entendre ses signes pourtant il a parlé chant funèbre
raconte moi dis-moi la mer
je la vois.
sa terre tremble s’arrache croûtes de sel ses lambeaux nourrissent l’abîme des formes ensevelies c’est elle tient la marée de l’écorce de ses bras vides son sein creux sa langue pendante son feu souterrain ses siècles libérés d’un geste aveugle et sa montagne noyée fossiles qu’on reconnaîtra
raconte moi dis-moi la mer
son idée marécageuse et tiède avale de sa substance toutes les racines pensées emmêlées étouffe la veine battante grand naufrage grand naufrage son idée répandue comme un vaste mensonge découpé d’une vallée verte d’un champ mûr d’un parfum sucré grand naufrage
raconte moi dis-moi la mer
je la vois.
son obscur perce sa surface une lueur un point inconnu lente descente lente sauvage douce un repos d’âmes sourdes désormais son obscur vacarme son obscur silence de particules infimes de tant d’histoires obscures elles aussi anciennes voix anciens signes par-delà les ultimes mouvements
raconte moi dis-moi la mer
je te vois. ton nom qui s’enfonce et ta gorge pleine le sable que tu bois ferme les yeux je raconterai l’histoire à nouveau à celui qui, après toi vient comme celle avant toi