“La ville faite par et pour les hommes”: tel est le constat du chercheur Yves Raibaud, qui invite à repenser les espaces publics, avec et pour les femmes. La Métropole Rouen Normandie organisait le 12 décembre dernier un séminaire sur les enjeux de mixité dans l’aménagement de la ville. Yves Raibaud en était l’invité, avec Corinne Luxembourg, géographe; Chris Blache, socio-ethnographe; Christine Guillemaut, chargée de projet égalité, intégration, inclusion à la ville de Paris; ainsi que Dominique Poggi, sociologue.
La ville durable de demain doit autant être aux femmes qu’aux hommes
La “ville durable”, la “ville intelligente” sont désormais des expressions courantes. Pourtant, l’imaginaire qui y est associé relève soit des technologies, soit celui des énergies propres. Et l’humain là-dedans? On l’oublie! L’espace public est encore trop considéré comme neutre, comme si les choix d’urbanisation étaient apolitiques. Loin de là. Avec des urbanistes et architectes longtemps de sexe masculin, la ville a été pensée par et pour les hommes. La littérature en témoigne: combien de poètes “prennent” la ville, combien d’œuvres écrites par des hommes essentialisent la femme dans la ville à “ses” fonctions: putain ou mère. Alors comment imaginer une ville du futur en laissant de côté la moitié de l’Humanité?
Dans la ville, la balance différencielle des sexes chère à Françoise Héritier est omniprésente. Cependant que de nombreuses études montrent les contre-sens de certains raisonnements qui produisent la ville. Par exemple: les horaires et lignes de transports en commun sont imaginés par des hommes surtout, sur un cycle binaire domicile/travail alors que les statistiques montrent que les usagers sont surtout des usagères et que les trajets sont plutôt de type “domicile-crèche/école-travail-école-courses-domicile”.
Du droit à la ville
Militer pour rendre la ville aux femmes, c’est militer pour le droit à la ville pour toutes et tous. Avec une approche intersectionnelle, les intervenants insistent sur le fait qu’agir pour les femmes, c’est aussi agir pour les populations “racisées”, pour les personnes en situation de handicap, pour les personnes âgées, etc.
La ville de Paris a ainsi conçu un guide référentiel pour accompagner la production des politiques publiques d’aménagement de la ville et du territoire. D’autres villes prennent ce chemin, comme Bordeaux. A l’étranger aussi et surtout, la dynamique s’enclenche. Il faut citer Vienne en Autriche, Wellington en Nouvelle-Zélande, Malmö en Suède.
Pour et par les femmes
Un des leviers essentiels consiste, tout simplement, à donner la parole aux femmes. Des outils existent pour que les habitantes des villes prennent la parole: marches exploratoires, clauses de genres dans les marchés publics, discriminations positives éphémères, … Leur donner la parole doit aussi se jouer sur les symboles: noms de rues, signalétiques inclusives… Et les mots aussi comptent. Ha oui, l’écriture inclusive c’est donc non… A ne pas oublier: la prise de décision politique. Là aussi, les femmes doivent trouver toute leur place.
A l’issue d’une table ronde extrêmement riche, des ateliers simultanés ont permis aux participants de travailler sur des cas pratiques concrets. C’est une boîte à outils qu’ils se sont ainsi constitués.
J’ai désormais eu à plusieurs fois l’occasion de travailler sur des questions liées aux femmes, et j’en suis ravie!